La comparaison Valls Sarkozy. Quelle pertinence? [ 11/09/2012 ]

[ 11/09/2012 ]

Différents journaux présentent les deux hommes comme ayant bien des traits communs. Le ministre de l’intérieur a toujours incarné la fermeté. C’est la fonction qui veut cela. Il n’en reste pas moins que leur positionnement politique est différent, et que leur approche des questions de sécurité aussi, pour une part du fait de raisons conjoncturelles, et pour une autre part structurelles. Les deux hommes sont confrontés aux mêmes difficultés (ce qui crée des similitudes) mais ils n’ont pas la même approche.
En 2002, Sarkozy est ministre de l’intérieur. Il arrive aux commandes à un moment situé avant la crise financière, dans une période sinon d’abondance du moins d’aisance budgétaire. Il va promettre beaucoup aux syndicats, en espèces sonnantes et trébuchantes et en postes (il fera le contraire plus tard, une fois Président, mais c’est une autre histoire). Sur le fond, il a une approche de la sécurité qu’il a pu populariser au long de ces 10 années, d’abord comme ministre de l’intérieur puis comme Président. Il a martelé ses slogans, simplistes mais efficaces. Son message était simple. La police est la solution à tous les problèmes, pour peu que la justice ne l’entrave pas. La mise à l’index des minorités faisait partie de sa recette. Enfin, plus de partenariat, plus d’approche locale (les mécanismes centraux, FIPD notamment, définissaient pour le niveau local ce qui était bon pour lui. Et après le discours de Grenoble en 2010, on a même parlé de sanctionner les (mauvais) maires qui ne faisaient pas « comme il faut ».
A l’évidence, le contexte budgétaire est bien différent aujourd’hui. Le ministre de l’Intérieur en 2012 ne peu plus endormir les syndicats avec des promesses. Et sur l’essence de l’action, on n’est pas du tout sur la même longueur d’ondes avec Manuel Valls. Il a un discours bien plus équilibré entre prévention et répression. Il explique que l’on ne peut pas faire sans les élus locaux, que l’on ne peut pas faire en dehors du partenariat. Il a une approche plus transparente, par exemple en autorisant la levée du secret pour l’affaire Mehra, ce qui a permis de confirmer le grand cafouillage qu’on subodorait. Certes, il a ouvert les archives de son prédécesseur, et seul l’avenir nous confirmera cette orientation. Mais espérons qu’il y aura en la matière une jurisprudence Valls.
Valls incarne la fermeté, l’expulsion des Roms. Ce qui lui a valu le soutien public (sic) du propriétaire du Figaro qui lui a assuré le soutien de son quotidien (re sic). Est-ce que ça en fait pour autant de Valls un homme qui serait préféré par des électeurs de droite s’il était confronté un candidat de droite ? Je ne crois pas. Certes, aujourd’hui il est situé à droite dans le parti socialiste contrairement à quelqu’un comme
Martine Aubry mais demain face à un candidat de droite, je ne suis pas certain qu’il soit perçu comme un candidat de droite. C’est un jeu de distance relative. On le voit lorsqu’il ne se presse pas d’engager le combat avec la droite sur un thème où la bataille ne semble pas facile à gagner, le vote des étrangers aux élections locales. Mais finalement il trouve un moyen de favoriser l’implication politique des étrangers dans la vie politique en proposant de faciliter leur accès à la citoyenneté. Sur l’échiquier politique, il y a de la distance entre Valls et Sarkozy, c’est le moins que l’on puisse dire. Valls a méticuleusement pris le contre pied de Sarkozy en expliquant qu’il n’y avait qu’une France, et en évitant toute stigmatisation d’une communauté ou d’une autre. C’est plus qu’une nuance.
Nicolas Sarkozy avait son angle, certes bien peu efficace sur le fond. Il était un dogmatique, se drapant dans les linges du pragmatisme. Il avait construit sa ligne: plus de moyens pour la police et plus de sévérité pour les juges. Il n’y pas du tout la même approche chez Valls. Il ne fonctionne pas au raccourci et au slogan. Il a donné les signes qui ne voulaient pas aller dans la même direction que la droite, mais on ne connait pas encore sa politique. Reste qu’on se demande quelle va être sa politique de sécurité. Avantages et inconvénients de chaque formule.
Finalement, en termes de trajectoire, les différences seront nettes entre les deux hommes. En 2012, la priorité pour les gens est et va rester l’emploi et le pouvoir d’achat. De ce fait, la sécurité ne saurait prendre la même place dans l’action du gouvernement. Je ne vois pas comment le gouvernement pourrait faire l’impasse sur les conditions sociaux-économiques et comment Valls pourrait jouer son image uniquement sur la sécurité. Entre 2001 et 2002, Chirac et Sarkozy ont fait monter la question de la sécurité dans les priorités, à un moment où l’économie se redressait. Aujourd’hui, on ne saurait imaginer le même scénario. Le contexte économique est complètement différent. On n’est pas sorti de la crise financière. Comment on peut faire de la sécurité l’enjeu numéro un dans ces conditions-là, et le tremplin magique vers d’autres fonctions ? Impossible.

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