Plan banlieues: incohérent et impossible à mettre en oeuvre [ 02/09/2008 ]

[ 02/09/2008 ]

La sincérité et la conviction de Fadela Amara n’y aura rien changé. Le plan banlieues dont le nom aura été à géométrie variable apparaît comme un collage, une oeuvre qui rassemble des petits morceaux récupérés par l’artiste. Les vieilles bonnes idées sont toujours là: réduire l’échec scolaire, favoriser l’insertion professionnelle. On notera les oublis: la politique de la ville sans moyens importants est condamnée à végéter. Or, toute notion de péréquation des ressources par une réforme de la fiscalité a été jetée aux oubliettes. C’était la clé des clés. On notera ensuite les changements à deux mois municipales. Comme on l’avait vu avec le rapport Attali qui fut défendu avant de rendre les armes devant les taxis, le président change d’avis sur la police. Il y a un mois la police de proximité était fustigée, et les unités de quartier prévues pour être expérimentales et concerner 20 fonctionnaires. Aujourd’hui le concept est adoubé et on parle de 4000 policiers affectés dans plusieurs centaines de ces unités. Les GIR qui avaient pour mission de défaire la délinquance organisée en 2002 et dont on nous avait vanté l’efficacité vont être …. recentrés, signe que tout va très bien sans doute. C’est une « guerre sans merci qui sera engagée à l’endroit des trafics et des trafiquants ». Comme en 2002? Avec 50% d’augmentation du trafic depuis ! Le discours emphatique sur la République (avec un grand R) et l’Etat (avec un grand E) est une habitude française. Il contraste cependant avec le fait que les caisses sont « plus que vides ». L’emphase sans les moyens, c’est de la communication un point c’est tout. Le programme manque de cohérence en faisant des ruptures dans la rupture pour en revenir à ce qui se pensait avant. Les contradictions entre l’approche par les quartiers (la définition historique de la ville: des quartiers prioritaires) et l’approche par les individus (faire sortir les meilleurs de ces zones) éclate en ce début de 2008. Qu’est-ce que la politique de la ville? Une politique pour rendre les quartiers pauvres vivables? ou une politique pour permettre la sélection de quelques élites (par les bons collèges, internats et grandes écoles) pour rejoindre la bonne société? Il faut choisir pour qu’on puisse y comprendre quelque chose. Or là, c’est le chaos. Si on veut donner des chances égale, il faut inclure un plan anti-discrimination. Or là, il n’y en a pas … du tout! Rien sur les freins à l’inclusion par la discrimination à l’embauche ! Rien sur les modalités concrètes. On peut inscrire les principes dans la constitution, mais si les mécanismes pour les faire valoir manquent… Le grand retour de l’Etat? Un correspondant de l’Etat par quartier. Et une autorité de l’Etat sur tous ses services au plan loca « un représentant d’une véritable autorité » qui rendra compte au préfet. Aveu que jusqu’à nos jours les préfet n’exerçait pas d’autorité sur les fonction publique d’Etat au niveau local. C’est un scoop. Les préfectures n’ont pas le début du commencement des moyens pour faire cela. Les correspondants politique de la ville sont déjà saturés dans les préfectures. Et les directeurs de cabinets du préfet n’arrivent pas à suivre tous les CLS. Quant à l’approche hiérarchique, elle oublie que de nombreux acteurs de la politique de la ville sont les agglomérations, les régions, et pour la protection de l’enfance les départements. Il manque une culture du partenariat. En revenir à l’approche hiérarchique centrale de l’Etat qui sait mieux depuis très loin et qui va donner des ordres (avant de changer de cap très vite) apparaît pour le moins obsolète, et, hélas, promise aux conférences de presse plutôt qu’au changement sur le terrain. L’aveu d’échec quant à la possibilité de réformer l’Etat apparaît avec l’idée de création de postes « qui sortiraient des catégories de la fonction publique ». Puisqu’on ne veut pas faire en sorte que l’administration s’adapte à la concentration des difficultés, on crée une para-fonction publique pour s’occuper des pauvres. La fonction publique d’Etat aurait deux vitesse, serait plus fractionnée et moins gérable encore à l’avenir. Un plan impossible à mettre en oeuvre. Mais est-ce vraiment sa destinée?