L’attaque au camion de Nice a déclenché une discussion publique fort logique sur les responsabilités des … responsables de la sécurité. Distinguons deux choses : leur capacité à prévoir ce qui pouvait survenir (par un renseignement efficace), et notamment le type d’attaque (comme l’a très honnêtement dit le DDSP à Nice, le dispositif « était centré sur les individus armés ou porteurs de ceintures explosives ») à limiter les dommages par un positionnement adéquat des obstacles et des personnels (de la prévention situationnelle), d’une part. C’est la question des « failles » pour reprendre le titre du journal Libération. Et, d’autre part, les vertus morales des responsables. C’est la question « d’un mensonge » pour se servir de la second partie du titre du même article.
Contrairement à ce qui a été affirmé, il n’y avait donc ni policiers nationaux ni plusieurs véhicules au point de sécurité mis en question. En période crise, il est curieux que les responsables politiques aient recours aux assertions pour se placer au-dessus de la mêlée, et plus gênant encore que celles-ci se révèlent fausses. La solidarité témoignée par M. Valls, le du chef du gouvernement (« Le mensonge, (… est…) ce qu’il y a de plus éloigné de Bernard Cazeneuve ») avec son ministre rend les choses encore plus trouble pour les citoyens: ne se serrent-ils pas les coudes plutôt que de se placer en posture de recevabilité vis-à-vis de la société qui a bien le droit de savoir ? Et le préfet des Alpes-Maritimes de s’aligner sur la parole de Paris, comme il se doit: « le préfet « Y a-t-il eu mensonge des autorités, comme l’affirme le journal Libération ? Non, à aucun moment. »
Cela me rappelle étrangement les émeutes géantes de 2005 qui débutèrent en Seine Saint Denis. Le préfet avait exclu toute responsabilité de la police, et nié la non assistance à personne en danger, avant que les retranscriptions des communications radios laissent entendre le fameux « S’ils rentrent sur le site EDF, je ne donne pas cher de leur peau » d’un agent au central. Nicolas Sarkozy, ministre de l’Intérieur, avait exclu toute faute policière, et inventé une tentative de cambriolage qui aurait été à l’origine de la poursuite et du décès des deux adolescents entrés dans le transformateurs. Ce genre de propos ne peuvent qu’attiser la défiance vis-à-vis du monde politique. Et n’a-t-on pas entendu urbi et orbi qu’une refondation était urgente ? Plus tard ? ahhh bon.
Deux exemples ne font pas une règle, certes, et il serait intéressant de se plonger dans l’analyse des vertus que le peuple pense nécessaire à la conduite des affaires publiques, et de faire un recensement plus systématique des cas où ces vertus se soient manifestées et où elles ont fait défaut. Et de comparer la manière dont les vertus sont exigées dans les démocraties du Nord de l’Europe et en France.
Il est clair que seule des circonstances extraordinaires poussent à vérifier le détail des assertions qui ponctuent les discours de nos responsables. Il est évidemment plus facile d’avoir des vertus morales hors des moments de mise à l’épreuve. La science politique a montré que les vertus morales étaient extrêmement importantes : des vertus qui sont attribués par le peuple à ses responsables dépendent la confiance dans la société. A la fois la confiance qui constitue le lubrifiant de la démocratie (ce ne sont pas les institutions qui la garantissent, mais bien la foi qu’on a en elles, et donc dans les membres qui les dirigent). Et aussi la confiance interpersonnelle qui permet de faire coopérer les individus entre eux (ce qu’on nomme le « capital social »). La probité, la sincérité sont essentielles parce qu’elles fondent la légitimité des actes des administrations : chacun imagine qu’elles recherchent à faire le bien, qu’elles sont inspirées par le bien commun – si les chefs sont moralement irréprochables.