L’identité nationale est le grand thème de cette campagne. Mais qui s’intéresse à savoir ce dont il s’agit?

L’identité nationale est le grand thème de cette campagne. Mais qui s’intéresse à sa nature (de quoi s’agit-il), sa mesure, et la manière dont elle se fabrique dans la France d’aujourd’hui? Comment les jeunes athées, catholiques et musulmans s’identifient-ils à la France, voient-ils leur relation à l’Etat (au vote, Président de la République, à la laïcité) ? A partir de larges études dans plusieurs régions de France, je propose 1 lecture de l’intégration politique. Comme l’identité sociale religieuse est « mélangée » avec des conditions socio-économiques (les musulmans sont au bas de l’échelle), des quartiers de résidence, des expériences de l’Etat différentes, il faut regarder tous ces facteurs. Or, tous ont un effet, et cela bouscule le réductionnisme, l’idée d’une identité de foi qui s’auto-expliquerait (une sorte de cause des causes), contre toute évidence empirique. En réalité l’expérience scolaire, le secteur privé ou publique, mais aussi la composition de l’établissement, ou encore la relation avec les professeurs ont des effets, mais ils sont parfois les mêmes pour tous les élèves (être « mauvais » à l’école= distance vis-à-vis de la nation, voir graphique tiré de « La Nation inachevée », @editionsgrasset), parfois différents (les musulmans à l’école privée se sentent plus intégrés à la collectivité politique). La relation à l’école est une « expérience de l’Etat » à travers ses agents, très importante pour les adolescents pour une raison simple: ils y passent beaucoup de temps. Or ce détachement vis-à-vis de l’école (pas des profs d’ailleurs) est plus marqué que chez nos voisins. Ce déficit de confiance est préjudiciable à la formation de la culture civique. Comment espérer de l’école qu’elle soit la matrice de la République si elle ne réussit pas à créer un fort attachement de la part des adolescents? Les élèves qui réussissent moins bien que les autres, quelque soit leur identité religieuse, croient moins dans l’utilité du vote, et cela avant même d’avoir atteint l’âge de la majorité électorale. La distance par rapport à la politique se construit très en amont de l’élection. Intérêt pour la politique, croyance dans le mécanisme fondamental sur lequel la démocratie est assise (le vote), perception du Président de la République (la « clé des institutions), des valeurs de laïcité: beaucoup se joue au collège et au lycée, et ce n’est pas le défaut d’exposition aux symboles nationaux (hymne, emblème) qui en est la cause, mais l’expérience de l’inégalité, de la ségrégation, et de l’échec qui en sont à la base.

«La construction de la nation est, par définition, toujours inachevée.»

https://aoc.media/opinion/2022/02/21/les-candidats-a-lelection-presidentielle-ne-sont-pas-la-nation/

Les candidats à l’élection présidentielle ne sont pas la nation

Par  Sebastian Rochémardi 22 février 2022

Politique  Politiste 

Les dirigeants politiques – et a fortiori les candidats à l’élection présidentielle – pensent disposer d’une légitimité à incarner la voix de la nation et à en délimiter les frontières. Mais dans nombre de leurs discours s’impose une conception exclusive de l’identité nationale, articulée à des critères ethniques plutôt que politiques. Cette posture nie l’idée de nation telle qu’elle s’est historiquement construite.

Qu’est-ce que signifie appartenir à une nation ? Dans un récent ouvrage – La nation inachevée – j’ai essayé d’analyser les processus concrets de sa fabrication continue, et revenir sur les concepts de nation, d’État, et de peuple d’État qui méritent d’être distingués pour voir clair dans la manière dont la nation est pensée pendant la campagne électorale