La manifestation spontanée de policiers sur les Champs-Elysées dans la nuit de lundi à mardi a marqué les esprits. Sebastian Roché, directeur de recherche au CNRS, revient sur le sens de cette action.
Sébastien Leurquin, publié le 18/10/2016 à 17:48 , mis à jour le 19/10/2016 à 12:43
Dans la nuit de lundi à mardi, environ 500 policiers ont manifesté sur les Champs-Elysées. Cet évènement intervenait dix jours après l’attaque au cocktail Molotov contre quatre agents à Viry-Châtillon. Pour Sébastian Roché, directeur de recherche au CNRS et spécialiste des questions liées à la police, la manifestation traduit un double malaise: d’un côté, les policiers ne sont pas appréciés au sein de la population et de l’autre, on fait sans cesse appel à eux dans le contexte terroriste actuel.
Est-ce qu’une telle manifestation est inédite?
Le fait que des policiers se rassemblent n’est pas exceptionnel. A la fin du mandat de Lionel Jospin, en 2001, on avait connu en France des manifestations beaucoup plus importantes, par le nombre de localités et par le nombre de fonctionnaires manifestant. Ils protestaient à l’époque contre le supposé « laxisme de la Justice ». Il arrive aussi qu’il y ait des actions spontanées après des faits divers dans lesquels un policier est blessé ou tué. Cette manifestation traduit néanmoins le malaise de la base, qui est palpable et qui a échappé à l’encadrement syndical.
Le directeur général de la police nationale (DGPN) a évoqué une action inacceptable » et « contraire » aux « obligations statutaires » des policiers. Que risquent les policiers qui ont manifesté?
Le DGPN est obligé de faire ces déclarations. Sa position lui impose de rappeler les règles de l’institution. Une enquête de l’Inspection générale de police nationale (IGPN) va avoir lieu. Mais je n’imagine pas le gouvernement aller au clash dans ce dossier.
Surtout pas dans le contexte actuel, avec d’un côté le risque terroriste et de l’autre la course pour 2017. Le calendrier politique explique d’ailleurs aussi cette manifestation. Les policiers savent que c’est le moment de se faire entendre et de mettre la pression sur les différents candidats afin de peser dans le débat.
Quelle est la marge de manoeuvre du gouvernement?
Il est dans une position très délicate. Soit il cède aux revendications des policiers, avec un risque pour le budget. Soit il résiste, mais dans ce cas il risque la confrontation. Ce qui peut être très dangereux dans le contexte actuel.
Et que traduit cette manifestation sur le climat et la température au sein de la police?
On est aujourd’hui face à un double malaise dans la police. D’un côté il est structurel. La police n’est pas beaucoup aimée ni reconnue en France. De l’autre il est conjoncturel. Le gouvernement demande beaucoup aux policiers et aux militaires. Le dispositif de sécurité est au maximum, ce qui crée forcément une surcharge de travail et donc des tensions.
Peut-on redouter un vote extrême des forces de l’ordre?
Le vote FN est déjà très élevé. Je ne sais pas s’il peut encore s’accroître. Mais on peut craindre en effet que les policiers soient tentés par un vote anti-système. Ce qui est tout de même assez paradoxal.