Homicides policiers et refus d’obtempérer 

La multiplication des homicides policiers depuis plusieurs années, et en particulier l’annonce de onze décès consécutifs à des tirs policiers sur des occupants de véhicules pour la seule année 2022, a déclenché un très légitime débat public autour des causes d’un tel phénomène. Une question simple mérite réponse: la loi de février 2017, qui permet aux policiers de tirer sur des citoyens même lorsqu’ils ne représentent pas une menace grave et immédiate – s’affranchissant ainsi en partie du cadre de la légitime défense –, est-elle une cause de cette augmentation? La présente étude, fondée sur une analyse statistique rigoureuse du nombre mensuel de victimes de tirs, tend malheureusement à démontrer que tel est très probablement le cas. Il ne s’agit pas ici d’alimenter le faux débat qui voudrait que l’on soit pour ou contre la police – parler de la police n’a aucun sens indépendamment du comportement de ses membres –, mais plutôt de savoir si nous avons affaire à de la «mauvaise» police, et si ces actes dommageables trouvent leur source dans la loi. https://esprit.presse.fr/actualites/sebastian-roche-et-paul-le-derff-et-simon-varaine/homicides-policiers-et-refus-d-obtemperer-44252

Le gouvernement, le parlement et la police auraient-ils pu éviter l’augmentation des homicides policiers par tirs sur les occupants des véhicules ? La réponse est, malheureusement pour eux, positive: avant même la loi de 2017, il était déjà démontré que le nombre de tués varie en fonction de la loi ou de la règlementation dans une force de police. Ainsi, en 1972 le chef de police de New York, Patrick V. Murphy, a restreint les tirs aux situations où les policiers doivent protéger une vie, interdisant de tirer sur les suspects en fuite. Le résultat fut immédiat, avec une baisse du nombre de citoyens tués. https://www.syracuse.com/news/2011/12/former_syracuse_police_chief_p.html

De même, la police de Los Angeles modifia les règles d’autorisation de tirs en 1977, dans le but d’épargner des vies humaines. Avant 1977, les policiers pouvaient tirer pour éviter qu’un suspect refusant d’obtempérer ne s’échappe. Après, ce n’était plus possible que si la personne avait commis un crime grave. La loi eut bien l’effet anticipé, sans toutefois rendre le « modèle américain » désirable, vu d’Europe.

Ainsi, la relation entre a) la loi qui étend la légalité des tirs à un plus grand nombre de circonstances, et ce indépendamment de la gravité des infractions commises, et b) le nombre de citoyens tués était connue depuis 50 ans au moment où la France vote de telles dispositions.

Le congrès américain a publié le rapport suite à la mise en place d’une  » sous commission d’enquête sur le judiciaire ». C’est évidemment ce qu’on attend de l’Assemblée Nationale en France: examiner les faits et ajuster les lois en fonction de leurs effets réels.