Publié 23/01/2016, Le Dauphiné Libéré
3 questions à
Sebastian Roché, directeur de recherche au CNRS, Sciences Po Grenoble.
Pensez-vous qu’il serait opportun de métropoliser les polices municipales ?
« Donner des compétences à l’agglomération, ça ne veut pas nécessairement dire supprimer celles du maire, et ainsi on rajoute une couche dans le millefeuille actuel. Si on donne une compétence de police à la métropole, je ne pense pas que cela ira vers une simplification, mais plutôt vers une complexification. Il y aura plus d’acteurs à coordonner au plan local. Simplifier, ça demande du courage politique. La raison du fait de donner des pouvoirs de police aux métropoles, car il y a une logique, est de calquer l’organisation des forces de l’ordre sur l’organisation politico-administrative. Quand on renforce un échelon du millefeuille, on tend à terme à lui donner des pouvoirs de police et c’est légitime. Au plan pratique, le problème est que, très souvent, si on crée une plus grosse organisation policière par fusion, on crée une plus grosse bureaucratie, dont rien ne garantie qu’elle se tourne plus vers les besoins des citoyens. Une chose est sûre, il faut que le territoire soit petit pour que la police le connaisse bien et soit efficace. Actuellement, le débat est centré sur la mise en commun des ressources des municipalités, mais ce n’est peut-être pas le bon débat.»
Que voulez-vous dire par là ?
« La métropolisation serait un vrai changement si on décidait de l’appliquer à la police et la gendarmerie en les plaçant sous l’autorité des élus locaux. On aurait alors une meilleure prise en compte des problématiques des agglomérations. Pour l’instant, la police nationale répond aux directives du ministre de l’Intérieur et du gouvernement qui sont à Paris et qui font leur politique sans guère tenir compte des besoins des villes. Il faudrait clarifier les rôles. C’est la police et la gendarmerie qu’il est urgent de réformer, leur implantation et leurs mécanismes de rendre compte sont obsolètes. Pour les enjeux nationaux, on garderait certains services de la police nationale type renseignement et grande police judiciaire, et pour les problématiques locales, on aurait une police locale. Voilà une idée simple à comprendre, non? Dans ce schéma, on pourrait aussi imaginer une co direction entre les élus métropolitains et le préfet. »
Pourquoi donner des compétences en matière de sécurité à la Métropole ? Pour aller vers une système à l’américaine ?
« On n’ira pas vers un système “à l’américaine”, c’est à dire essentiellement municipal, tout simplement parce que les municipalités françaises ne font pas la même taille, elles sont petites. Et aussi parce qu’aux Etats-Unis, les citoyens élisent leurs gendarmes, leur police des campagne, les shérifs. En France, on n’aime pas cette idée, et on aurait aussi un problème pour faire des polices municipales avec les zones rurales dont les maires n’auraient pas les moyens de mettre en place des polices dignes de ce nom. Il faut imaginer une toute nouvelle organisation territoriale des forces de l’ordre dans laquelle le “rendre compte” aux élus locaux serait renforcé. Mais il ne faut pas se leurrer. Si l’État s’intéresse aux maires, c’est pour faire des économies. Il invite à sa table pour partager l’addition. L’autre voie, type Nicolas Sarkozy, est de privatiser la police en commençant par celle des autoroutes. Quant à l’idée qu’on supprime les frictions entre polices en les fusionnant, il est assez illusoire de penser qu’elle se produirait juste parce qu’on a mis une même étiquette identiques sur tous ces services. Si on regroupait des services différents, des identités et rétentions d’information se recréeraient à l’intérieur des nouvelles structures. »